dimanche 3 février 2013

LES VIOLATIONS DE DROITS RESULTANT DE L'USAGE


LES VIOLATIONS DE DROITS RESULTANT DE L'USAGE

L'usage actuel constitue à notre sens la violation d'un certain nombre de droits des femmes, dont certains fondamentaux.

- Atteinte au secret de la vie privée

Cet usage a pour effet le dévoilement systématique de la situation matrimoniale des intéressées, la révélation est immédiate et irréversible.
Lorsqu'elle est faite sans autorisation préalable des intéressées, elle constitue une violation de leur vie privée, atteinte au secret de la vie privée.
La violation de la vie privée d'une personne est contraire à l'article 12 de la déclaration universelle de 1948, à l'article 8 de la convention européenne de 1950, à l'article 9 du code civil.
Quelle que soit la conception de la vie privée retenue, ce qui est atteint par la révélation, c'est un des éléments qui est "au cœur" de cette notion : l'"intimité" de la vie privée, "qui concerne la vie sentimentale, la vie familiale, la santé" [1] (donc la sexualité).

- Violation du secret professionnel

Dans les cas où la révélation elle est faite par une personne connaissant pour des raisons professionnelles la situation matrimoniale de la femme concernée, la révélation constitue aussi une violation du secret professionnel.
La violation du secret professionnel est condamnée par l'article 226-13 du code pénal.

- Agression

Imposer à une femme, dans une conversation, le registre de la séduction, par l’appui sur un « mademoiselle » présupposé par l’homme être flatteur, alors qu’elle n’a aucunement souhaité entrer dans ce registre ni donné son accord à cela, est un « coup de force », abusif et inquiétant pour elle, qui sait que marquer son refus peut lui valoir d’avoir à affronter colère et mépris de la part du « flatteur ».
La situation est encore plus stressante pour elle lorsqu’elle survient dans un cadre professionnel, lorsque l’homme est un supérieur hiérarchique ou un collègue avec lequel elle doit conserver de bonnes relations.

Comme la révélation ou l'allusion concerne les aspects sentimentaux ou intimes de la vie privée, lorsqu'elle est faite sciemment contre la volonté de la personne visée, elle représente une véritable agression, une atteinte à la "privacy", à la "tranquillité de la vie privée".
Lorsque l'allusion est faite en insistant lourdement sur l'intimité de la vie privée, cela tourne à l'obscénité, au voyeurisme et donc à l'agression sexuelle, car comme l' a montré Freud [2], l'allusion à la vie sexuelle est une atteinte physique.

- Insulte

Le fait d’appeler une personne par un nom qu’elle refuse de se voir attribuer constitue en soi un manque de "civilité", une atteinte à sa dignité, et lorsqu'il est délibéré, une insulte. L'insulte est d'autant plus grave que le terme employé a des connotations péjoratives ou dépréciatives, ce qui le cas de "mademoiselle".

Ces connotations sont opposées : soit vieille fille, soit pute. Le terme évoque l'image générale d'une femme qui n'assume pas son role naturel, n'est pas accomplie, immature, mineure, voir déséquilibrée.
"Mme Doï est célibataire et sans enfants, ce qui la rend inapte à exercer une responsabilité dans le monde politique. D’ailleurs la place des femmes est au foyer."[3] " Des demoiselles à 20 000 F la nuit pour les arbitres- Des "cadeaux" mais jamais d'argent selon les prévenus du procès des girondins"[4]

Célibataire = sorcière
La célibataire est diabolisée dans la plupart des "civilisations". C'est la sorcière. Inutile et à éliminer.
Françoise Héritier Augé[5] par exemple a montré jusqu'où pouvait aller la croyance au caractère démoniaque des femmes seules (célibataires, veuves ou divorcées) , l'infantilisation des femmes qui n'ont pas enfanté.
La littérature psy et médicale regorge de perles sur les prétendues névroses et déséquilibres des célibataires : dangereuses pour elles mêmes et pour les autres, donc coupables[6]. " La femme qui n'a qu'elle même est un diable" disait il y a peu Louis Pauwels[7]

- Impolitesse

Le fait de poser des questions indiscrètes est un manque flagrant au règles élémentaires du savoir vivre, le refus d'y répondre, un droit élémentaire.
Mais nous avons vu que les ambiguités de l’usage actuel fait, à l'inverse :
- du comportement qui devrait être compris comme grossier - l'interrogatoire de la femme sur sa situation de famille - un comportement apparaissant prévenant (on interroge la femme pour éviter de commettre un écart aux règles du savoir vivre sur l'appellation),
- et de la réaction normale à cette incongruité - le refus opposé par la femme questionnée - un comportement déviant.

Compte tenu de cette ambiguité, tout le monde, hommes et femmes, peut se trouver dans la situation déplaisante de paraître offensants, dans un domaine particulièrement gênant, sans avoir voulu offenser. C'est une des conséquences absurdes de l'usage actuel.

- Discrimination

L'usage est discriminatoire envers les femmes, car les hommes ne voient pas exposés aux mêmes questions et révélations, personne ne se permet de demander à un homme dès qu'il se présente « monsieur ou mondemoiseau ? marié ou célibataire ?" …
La discrimination est définie par le code pénal, article 225-1, comme une distinction en fonction, entre autres, du sexe ou de la situation de famille.


[1] M.Chavanne, cité par Isabelle Lolies "La protection pénale de la vie privée" Presse universitaire d'Aix-Marseille 1999
[2] Freud Les mots d'esprit Gallimard 1988 (Imago Publishing co, Londres 1940)
[3] Un ministre japonais au sujet de Takako Doi, présidente du parti socialiste du Japon. Patrice Piquard L’évènement du Jeudi 23 mai 1991.
[4] Libération 3 mars 1999, Marc Pivois
[5] Masculin/Féminin, la pensée de la différence Ed. Odile Jacob 1996
[6] « Dans l’intérêt public, les fantaisies désordonnées de la femme qui souffre d’un complexe de masculinité et qui veut faire carrière, doivent être combattues. Quant aux célibataires de plus de trente ans - à moins d’une carence physiologique reconnues - elles doivent être encouragées à se faire psychanalyser. » Farnham et Lundberg cités par Benoîlte Groult Cette Mâle assurance page 122.
[7] cité par Benoîlte Groult Cette Mâle assurance page 241

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